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PHILIPPEVILLE
- Algérie - Skikda-Rusicade
Jean Paul CASTANET pour me contacter :
Elle a tout d’une
grande… Savez-vous que l’île Srigina continue encore de couver ‘‘Le lotier à fruits courbés’’, une plante classée rare au niveau mondial ? Savez-vous que les eaux marines de l’île regorgent de l’herbier à posidonie, considéré comme «rare» aussi, selon les critères de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) ? Savez-vous encore que Srigina a été le théâtre du premier coup de canon tiré lors de la Première Guerre mondiale ? Plus encore, savez-vous qu’elle a connu, à travers les siècles, d’étranges phénomènes naturels dignes des grands films d’Alfred Hitchcock ? Vous en voulez encore ? Suivez le guide. L’île Srigina, qui somnole depuis des siècles près du rivage storasien à moins de 3 km à l’est de Skikda n’est pas un vulgaire rocher. Elle n’est pas non plus un simple piédestal naturel qui porte ce phare blanc qu’elle câline depuis 1906 et qui a fini, depuis, par s’identifier à sa marraine et porter son nom. L’espace plus ou moins réduit de l’île, moins de 8000 m2, ne devait, en principe, pas prédestiner Srigina à tant d’honneur. Pourtant. L’île domine un véritable chapelet de rochers, presque parallèles à la côte est de Skikda et qui comprend l’îlot des Lions, l’îlot des Singes, les Sept-îles, les Fardeles, des Pines…et d’autres. Mais elle reste, incontestablement, la maîtresse des lieux en se détachant de ses eaux sur plus 50 m dans les cimes comme pour veiller sur ces lieux. Sa dénomination, mélodieuse, l’île, elle la doit aux romains qui, selon Chebli Mahieddine un des rares connaisseurs de la mémoire locale, n’est qu’une dérivation phonétique, à travers les siècles, de l’appellation latine originelle ‘Insula Reginae’ (île de la reine) que les romains lui auraient attribué en reconnaissance à sa beauté. Pour revenir à la riche biodiversité des lieux, il faudrait scinder l’île en deux sphères, indissociables ; celle, apparente et l’autre qui git à plus de 30 m de profondeur dans une eau toujours limpide et turquoise. Pour revenir à la riche biodiversité des lieux, il faudrait scinder l’île en deux sphères, indissociables ; celle, apparente et l’autre qui git à plus de 30 m de profondeur dans une eau toujours limpide et turquoise. Les 4 et 5 mai 2008, des scientifiques œuvrant dans le cadre de la mission ‘‘Initiative pour les petites îles de Méditerranée’’ se sont rendus, à bord du fameux voilier Fleur de Lampaul de la fondation Nicolas Hulot à Srigina pour «prendre connaissance du patrimoine biologique présent sur les sites et d’identifier les besoins des autorités algériennes». Un Eden faunistique et floristique Le 8 août de la même année, le rapport de cette mission exploratrice est rendu public. On y apprend que l’île Srigina est «intéressante du point de vue diversité floristique». Le rapport note la présence de «trois espèces endémiques» en précisant que les lieux abritent «Le Lotier à fruits courbés (Lotus drepanocarpus), une plante classée ‘‘Rare’’ au niveau mondial par l’UICN». Le même rapport fait également état de la présence sur les lieux de «L’Epiaire à feuilles de marrube (Stachys marrubiifolia)» une autre plante rare au niveau mondial. Revenons maintenant aux richesses sous-marines qui baignent dans les eaux limitrophes de l’île. La personne la plus apte à en parler est incontestablement le professeur Farid Derbal. En plus de son statut d’universitaire et chef de service du Laboratoire Bio-ressources Marines à l’Université d’Annaba, il connaît les fonds de Srigina comme sa poche. Plongeur expérimenté, il s’est immergé des années durant dans ces eaux. Ecoutons plutôt ses impressions : «Les observations in situ (en plongée) ont permis d’observer la présence d’espèces communes à la Méditerranée, dont certaines considérées rares ou vulnérables selon les critères de l’IUCN.» Pour revenir aux espèces rares, M. Derbal cite le mérou brun (Epinephelus marginatus), le poisson Corbe (Sciaena umbra) et la nacre épineuse (Sciaena umbra), une mollusque comestible très rare en Méditerranée. «Cette île renferme une biodiversité faunistique et floristique riche et diversifiée avec des habitats assez remarquables», conclut M. Derbal. Srigina l’historique L’histoire de Srigina a de tout temps été liée à son phare. Ce dernier a été d’abord construit en 1847, comme le mentionnent les archives d’une adjudication datée du 28 septembre 1846. Il sera par la suite complètement reconstruit. Les travaux entamés en 1891 ne s’achèveront qu’en 1906, date de la mise en service du phare de jalonnement que nous connaissons aujourd’hui. D’une hauteur de 14,3 mètres à partir du niveau sol et 56,3 m du niveau mer, il dispose d’une portée lumineuse de 17.5 miles nautiques. Ce phare a été le théâtre d’un étrange phénomène qui, en 1885, avait fait le tour du monde. Voici des passages d’un article de presse repris à l’époque par divers autres organes de presse : «Vers minuit, les gardiens du phare de Srigina entendirent un bruit singulier. Intrigués, ils ouvrirent la porte ; un grouillement montait de la mer. Cela grimpait, grimpait toujours, en petites vagues. Les gardiens allèrent au-devant de cette invasion et consistèrent qu’ils étaient assaillis par d’innombrables crabes. Les crustacés atteignaient l’enceinte de la petite cour qui ceinture le phare (…) Le mur fut franchi, et l’armée de crabes continua sa marche. Bientôt les mandibules de bestioles mordirent le crépissage du phare ; l’ascension commença. Les gardiens rentrèrent, fermèrent portes et fenêtres et attendirent». L’article rapporte que la zone lumineuse du phare a fini par être envahie par les milliers de crustacés durant plus d’une heure, ce qui représentait un grand risque pour les navires empruntant le golfe de Skikda durant cette nuit de forte pluie. Finalement, poursuit l’auteur de l’article, les gardiens du phare ont eu l’ingénieuse idée de bouillir de grandes quantité d’eau et de les déverser, à partir du sommet du phare sur les bestioles. Le lendemain « plusieurs quintaux de cadavres rougis des crustacés» témoignent de cette fabuleuse et étrange histoire. Un phénomène presque identique s’est produit sur l’île durant la nuit du 8 février 1851. Dans son livre Histoire de Philippeville, Louis Bertrand raconte : «Lors d’une forte bourrasque du Nord, plusieurs centaines d’étourneaux se heurtent contre les glaces du phare de Srigina. On les trouve le lendemain matin gisant sur la première plate-forme ; les pêcheurs en ramassent aussi sur la mer». L’île a également été citée dans le violent ouragan qui s’était déchaîné sur la baie de Skikda au mois d’octobre 1846. Dans son compte rendu Voyage à la Calle, le Dr Bonnafont raconte : «J’aperçus une énorme trombe derrière l’île Srigina, se dirigeant rapidement du nord-ouest au sud-est. Sa course très rapide, poussée par la tempête, s’opère par un mouvement de rotation qui enlève l’eau de la mer jusqu’aux nues. Un bateau de marins pêcheurs fut attiré insensiblement et d’une manière irrésistible vers le gouffre (…) ce malheureux bateau disparut dans le gouffre en tournant sur lui-même, et la trombe continua sa course.» L’île a également été mise au devant de la scène internationale le 4 août 1914, date du premier bombardement de la première guerre mondiale. Lors de cette journée, le navire croiseur allemand, le Goeben s’était dirigé vers Skikda pour tirer cinquante coups de canon sur plusieurs cibles dont «le port, la gare, la caserne de France, l’usine à gaz. On compte 17 militaires français tués et trois algériens», selon des documents de l’époque. Vigile au pied marin C’était là la première déclaration de guerre. Pour revenir à Srigina et à son rapport avec cet événement historique, contentons-nous de lire le rapport militaire dressé par les militaires du Fort El Kantara, qui avait tenté de riposter aux attaques du Goeben. «Philippeville. Le 4 août 1914, à 4 h30, est aperçu un navire venant de l’est et se dirigeant à grande allure sur l’île Srigina. Arrivé à hauteur de l’île, ce navire fait feu d’une première bordée (…). Dès que le navire ennemi a tiré son premier coup de canon, la batterie d’El-Kantara, la seule du front de mer de Philippeville qui soit armée, ouvre le feu. Au premier coup tiré par la batterie, le navire sans répondre prend une grande allure et disparaît bientôt derrière l’île Srigina, sortant ainsi du champ de tir de la batterie d’El-Kantara». Cet événement fera le lendemain les unes de toutes la presse mondiale. Il emmènera par la suite les Français à doter l’île, en 1917, d’une batterie de deux canons de 90 Mle pour faire d’elle un poste de défense contre les sous-marins. Tout ceci n’est qu’une infime partie de l’histoire de cette île qui tente, aujourd’hui, de faire face à la cupidité des hommes et à leur insouciance. Elle demeure un repère local et un milieu riche mais fragilisé qu’il serait temps de sauver pour préserver des siècles d’histoire et une biodiversité des plus intéressantes de Skikda. |