1-Le 20
août 1955
"Témoignage pour un massacre" Dans la ville de Philippeville en Algérie
par le docteur Baldino
http://babelouedstory.com/cdhas/31_20_08_1955_philippeville/20_08_55_philippeville.html#baldino
<<Dans une période où il devient de bon ton de se repentir et de
se mettre en accusation, il m'a semblé utile de rappeler à nos
compatriotes (50 ans après) ce que fût le premier grand massacre de
Français d'Algérie lié à la guerre débutante.
S'en souvenir devient un devoir pour ceux qui restent et faire la
relation de ces évènements, sans en travestir la réalité, un hommage
aux victimes et aux acteurs disparus de ces journées tragiques du 20
Août 1955.
Le 1er novembre 1954 eut lieu le premier attentat dans les Aurès qui
coûta la vie à un instituteur de métropole qui rejoignait avec son
épouse l'école où ils avaient été nommés. L'instituteur Monsieur
Monnerot fut abattu froidement devant son épouse. Le caïd Sadok (ancien
officier de l'armée française) voulut protéger Madame Monnerot. II fut
abattu de plusieurs balles et Madame Monnerot grièvement blessée.
Ainsi commencèrent ce qu'on appela " les évènements d'Algérie ". Cet
attentat des Aurès avait ému la France et inquiété les Français de ces
départements d'outre-mer. Le Gouverneur Général Léonard envisageait,
pour contrôler ce foyer d'insurrection, de regrouper les populations
autochtones (on fixa pour cela des délais de quelques jours) puis de
quelques semaines et finalement ces décisions ne furent jamais
appliquées.
Ce fut une première victoire pour les insurgés. Pendant neuf mois les
attentats se multiplièrent : assassinats de colons, de petits
agriculteurs dans leurs fermes. Les routes étaient dangereuses. Les
insurgés dressaient des barrages et les véhicules étaient mitraillés.
Dans les villes des grenades étaient lancées contre des établissements
publics, dans des restaurants ou des cafés. Des attentats individuels
étaient signalés chaque jour dans la région. Des médecins furent
exécutés ou grièvement blessés dans leur cabinet par de pseudo-patients.
La situation, dans le Constantinois surtout, devenait de plus en plus
critique. Il y avait peu de troupes en Algérie. Nos armées venaient de
subir une sévère défaite à Dien-Bien-Phu et les régiments décimés
pendant la guerre d'Indochine n'avaient pas encore rejoint la Métropole
et l'Algérie. Il y avait bien quelques troupes du Contingent, mais peu
formées et sans enthousiasme.
On aborde ainsi l'été 1955.
Les " Pieds-Noirs " s'organisent pour les vacances et profitent des
joies de la plage. Mais ils sont préoccupés. Une minorité privilégiée
part en France (sur la Côte d'Azur ou en montagne). Le malaise augmente
dans la région de Philippeville.
Mais le 20 Août rien ne laissait prévoir l'insurrection qui allait se
déclencher en quelques heures.
Si les civils n'étaient pas au courant des préparatifs de cette
attaque, les services secrets militaires dirigés par le capitaine Paul
AUSSARESSES étaient informés de l'imminence d'une action sur
Philippeville et les villages environnants. Des mouvements, depuis
quelques jours, se faisaient de la périphérie vers le centre ville. Les
taxis avaient quitté leurs aires de stationnement et arrivaient en
ville avec des passagers inhabituels. Les épiceries étaient dévalisées
par des consommateurs généralement plus modestes dans leurs achats. Les
futurs insurgés, une fois entrés dans la ville, étaient hébergés par
des complices dans divers locaux (caves, réduits, garages...), autant
d'anomalies qui avaient alerté les services spéciaux de la Région
Militaire.
Le chef de la rébellion, ZIGHOUT YOUSSEF, commandait la zone du Nord
constantinois. II voulait faire sur Philippeville, qui était une ville
moyenne de 50 à 60.000 habitants, une action spectaculaire à l'occasion
du 2e anniversaire de la déposition en 1953 de Mohammed V, sultan du
Maroc et exilé à Madagascar par les autorités françaises.
D'ailleurs ce même jour du 20 Août 1955 des révoltes dirigées contre
les communautés françaises eurent lieu dans les villes marocaines de
Kenifra et Oued Zem. Elles furent sévèrement réprimées. Cette manoeuvre
était destinée à montrer la solidarité des pays du Maghreb contre le
pouvoir " colonial ".
Le 20 Août 1955, je consultais à mon cabinet médical situé en centre
ville par une journée torride comme l'Algérie en connaît en plein mois
d'Août. Un coup de téléphone de Madame Vincent, affolée, m'informa que
deux blessés venaient d'arriver à la clinique de son mari située à
quelques dizaines de mètres de mon cabinet.
Fernand Vincent le chirurgien est à l'hôpital pour son service
habituel. II ne peut pas quitter la salle d'opération et lui demande de
m'appeler pour les premiers soins. Le premier blessé est un musulman
ouvrier pâtissier chez un européen d'origine suisse. Un coreligionnaire
lui a tiré dans la pâtisserie plusieurs balles de gros calibre en plein
thorax. II est dans un état alarmant. Il respire difficilement et a dû
perdre beaucoup de sang pendant son transport. II meurt quelques
minutes après son admission à la clinique en récitant dans un dernier
souffle la prière des morts. Quelques minutes plus tard un garçon
pieds-noirs de vingt ans arrive à la clinique. Sur la route des plages,
en revenant de la baignade, un jeune musulman l'aborde, un pistolet de
petit calibre à la main et lui demande l'heure. Sans méfiance il lui
répond : " Il est midi ". Son agresseur lui tire une balle d'un
pistolet 6,35 qui l'atteint à l'avant-bras, le traverse en passant
entre les deux os sans faire de dégâts et se perd dans la nature. "
Midi " c'était l'heure fixée pour le déclenchement de l'insurrection et
le jeune baigneur avait pris ce geste pour... une plaisanterie.
Pourquoi midi ? C'était une heure favorable pour les insurgés. Les
militaires sont à leur cantine, les officiers et sous-officiers à leur
mess respectif, leur réaction demandera un certain délai pendant lequel
les insurgés pourront se répandre dans la ville en massacrant les
Français ou des musulmans connus pour leur attachement à la France.
C'était bien calculé. Mais la réaction des parachutistes du ler R.C.P.
du colonel Ducournau fut immédiate et stoppa l'attaque. La caserne de
Gendarmerie située en plein quartier indigène était assiégée de toutes
parts. Les Paras la dégagèrent en faisant de nombreuses victimes et
prisonniers parmi les assaillants.
La fusillade que nous entendions de la clinique du Docteur Vincent où
j'avais reçu les premiers blessés cessa après une heure de combat. Mais
l'attaque n'avait pas porté uniquement sur la ville. A une vingtaine de
kilomètres de Philippeville se trouvait une mine d'extraction de
minerai de fer El Halia et les carrières de marbre de Fil Fila.
La mine d'El Halia était dirigée par un jeune ingénieur métropolitain
récemment nommé, Monsieur Revenu.
Deux cent cinquante familles algériennes vivaient et travaillaient dans
cette entreprise encadrées par cent trente européens dans une
cohabitation parfaite. Pour Zighout Youssef cette entente entre
européens et musulmans était insupportable. Il finit par convaincre ses
coreligionnaires de se retourner contre les roumis " (les infidèles) de
la manière la plus barbare qui soit c'est-à-dire sans épargner femmes
et enfants.
Le massacre commença quelques heures avant l'assaut sur Philippeville.
Mais toutes les communications avaient été coupées et la mine était
totalement isolée. Le directeur de la mine, un athlète d'un mètre
quatre-vingt dix, partit en courant dans le maquis infesté d'insurgés
pour alerter le camp militaire Péhan situé à 12 kilomètres de la mine
sur la route de Philippeville. Il eut la chance de ne rencontrer aucun
fellagha dans cette course de fond et alerta les militaires du camp qui
montèrent immédiatement une opération mais il était trop tard. Des
dizaines de corps (une soixantaine) horriblement mutilés par des
instruments tranchants (poignards, coutelas, haches) suivant la
tradition du sacrifice rituel du mouton gisaient sur le carreau de la
mine. De très nombreux blessés par armes blanches ou armes à feu tirant
des halles artisanales qui font de gros dégâts difficiles à corriger
ensuite.
Des armes avaient été demandées par Monsieur Revenu mais elles lui
furent refusées par les autorités préfectorales.
Tout près de la mine d'El Halia, les carrières de marbre du Fil Fila
étaient dirigées par un de mes amis, le regretté Robert Fèvre, issu
d'une famille de carriers bourguignons installée à Philippeville depuis
plusieurs décennies. Il y employait des musulmans et des cadres
européens au nombre d'une douzaine de familles. II avait enfreint les
interdictions préfectorales et avait acheté plusieurs fusils de chasse
ou de tir. En outre il avait transformé un bâtiment inutilisé en
fortin, ce qui permit aux familles de s'y réfugier au moment de
l'attaque. Un seul ouvrier, trop tard informé, n'eut pas le temps de
regagner ce fortin improvisé et fut abattu sauvagement.
Pilote pendant la guerre de 39-45, Robert Fèvre avait continué à
pratiquer le pilotage amateur. Avec un avion de l'Aero-Club il survola
sa carrière pour s'assurer que la protection était efficace.
L'après-midi du 20 Août. accompagné de deux amis anciens combattants de
la guerre 42-45 Claude Trihaudeaui, un ancien des commandos, et Eugène
Kobelski, un ancien de la guerre d'Indochine - ils partirent en
voiture, armés jusqu'aux dents, aux carrières encore mal contrôlées par
l'armée et ramenèrent à Philippeville tous ceux qui étaient encore les
cibles des insurgés et leurs familles. C'était un bel exemple de
courage et de camaraderie qui méritait d'être relaté.
L'Hôpital de Philippeville dominant la ville
A la clinique du Docteur Vincent un coup de téléphone de mon confrère
me demande de venir rapidement le rejoindre à l'Hôpital. Nous apprenons
alors le carnage d'El Halia et surtout l'arrivée de 200 blessés graves
à l'Hôpital en l'espace de deux heures. " Viens, me dit-il, avec
Gisèle. On aura besoin d'elle ". Gisèle Vincent était sage-femme et
aidait son mari à la clinique et en anesthésie. Nous prenons la rue
principale qui conduit à l'Hôpital une longue rue qui partage la ville
en deux et qui s'appelle tout naturellement rue Georges Clémenceau. La
situation qui nous attendait était dramatique mais Gisèle Vincent et
moi n'avons pas pu éviter un sourire devant le spectacle de
cette rue déserte après la réaction des parachutistes et jalonnée de
toutes sortes de chaussures, espadrilles ou babouches qu'on abandonne
pour échapper le plus vite possible aux forces de l'ordre. L'Hôpital de
Philippeville, construit sur une colline qui dominait le port, datait
du début de la colonisation. Un Hôpital militaire jouxtait l'Hôpital
Civil. Celui-ci avait été agrandi au fil des décennies et des besoins.
Mais il restait suffisant pour une ville moyenne d'Algérie. II pouvait
accueillir 400 à 500 malades chirurgicaux ou médicaux et surtout
beaucoup de cas sociaux.
Le personnel infirmier et technique correspondait à l'importance de
l'établissement. En ce mois d'Août la moitié des agents était en congé
annuel. C'est donc dans cette situation qu'il fallait faire face à
l'arrivée brutale de 200 blessés graves par des agresseurs déchaînés
qui avaient utilisé les méthodes les plus barbares qui soient.
(L'officier des Pompes Funèbres perdit la raison devant tant
d'horreurs.*)
L'Hôpital disposait d'une ambulance qui était plutôt une camionnette de
transport. Tous les blessés d'El Halia ou de la ville avaient été
transportés à l'Hôpital sans précautions de manipulation ou d'hygiène
dans des véhicules divers. Certains blessés moururent pendant leur
transport par impossibilité de soins d'urgence.
L'insuffisance de personnel infirmier fut en partie compensée par une
communauté religieuse rattachée au centre hospitalier. Certaines
religieuses avaient des connaissances médicales. Elles furent d'un
dévouement remarquable. Toutes donnèrent leur sang pour les premiers
blessés et certaines à plusieurs reprises à la limite du possible : un
soutien psychologique avant l'époque avec l'efficacité de leur foi.
Quelle était la situation sur le plan médical ? II y avait à
Philippeville toutes spécialités confondues 25 à 30 médecins. Un
certain nombre était en vacances, en France ou à l'étranger.
Dans la ville même la situation était mal perçue, l'information avait
mal circulé. Les habitants craignaient de nouvelles attaques et
restaient à l'abri. Nous nous retrouvions six chirurgiens médecins pour
gérer cette situation. Le Docteur Vincent, chirurgien installé à
Philippeville en 1946, avait été mobilisé dans un Hôpital militaire de
campagne pendant la guerre de 42-45, en Italie puis en France.
II était chef du service de chirurgie de l'Hôpital civil et aussi de
l'Hôpital militaire. Il avait acquis une grande expérience en chirurgie
de guerre. L'organisation des soins de ces journées tragiques lui
revint.
Un jeune chirurgien, Alain Farruggia, qui finissait son internat à
l'Hôpital Mustapha à Alger était à Philippeville pour remplacer le 2e
chirurgien de la ville, le Docteur Grasset, parti en vacances quelques
jours avant. C'était son premier remplacement et il fut confronté à une
situation et à une chirurgie qui ne lui étaient pas familières. Il
donna le maximum de lui-même. Je l'aidais de mon mieux à la table
d'opérations.
Un médecin généraliste, le Docteur Gabriel Godard, était l'aîné de ce
petit groupe. Il avait été mobilisé de 1942 à 1945 dans un Hôpital de
campagne où il fit la connaissance de Fernand Vincent. Il était tout
désigné pour l'aider à la table d'opérations.
Le Docteur Hughes Blanc était radiologue, installé à Philippeville
après la guerre de 42-45. Il fut décoré de la Légion d'Honneur sur le
champ de bataille pour son attitude courageuse et son dévouement. Il
était aussi le responsable du service de radiologie de l'Hôpital.
Le Docteur Pierre Sultan, médecin pneumo-phtisiologue, était installé
depuis peu de temps dans la ville. Il dirigeait en outre le service de
cette spécialité à l'Hôpital. Avec Hughes Blanc, il fut chargé du tri
des blessés, de la radiologie générale et du repérage des projectiles.
Pour ma part, installé depuis deux ans à Philippeville comme pédiatre,
mon cabinet jouxtait la clinique du Docteur Vincent. Il m'appelait
fréquemment pour l'aider aux interventions. C'est ce que j'ai fait
pendant ces deux journées opératoires en alternance avec mon confrère
Godard.
Gisèle Vincent nous aidait efficacement pour les anesthésies. Elle
faisait le va-et-vient entre l'Hôpital et la clinique où il lui
t'allait s'occuper de quelques malades encore hospitalisés.
L'Intendance Hospitalière (stérilisations, instruments, lingerie) était
suffisante pour un fonctionnement normal de l'établissement mais très
vite débordée par l'afflux de blessés. Il y avait bien deux jeunes
internes algériens nommés officiellement à l'Hôpital pour leur stage
interné. Nous les avons " aperçus " nais rapidement ils nous ont fait
savoir qu'ils étaient souffrants et qu'ils ne pourraient pas nous
aider. Nous n'avons pas insisté car ils étaient incompétents et
auraient pu être, aussi, malveillants.
60 cercueils alignés...... des familles entières
Paul-Dominique CREVAUX
C'est dans une ambiance de souk ou de marché persan que nous nous
sommes mis au travail. Nous disposions de deux salles d'opérations
précédées d'un sas où les infirmiers préparaient les blessés. Fernand
Vincent opérait dans l'une d'elles avec son ami Gabriel Godard. Alain
Farruggia occupait la deuxième salle et avait commencé à opérer aidé
par un interne algérien qui accumulait les fautes et travaillait
lentement volontairement ou pas. Je le remplaçai à la table
d'opérations et Alain retrouva un rythme normal.Dans les couloirs qui
conduisaient aux salles d'opérations les chariots ou les brancards
faisaient une chaîne. Sur l'un des chariots, j'avais remarqué un
algérien qui manifestement faisait partie des insurgés. Il avait les
deux jambes brisées par une rafale d'arme automatique. II avait un
visage exalté sur lequel se lisait une haine intense. Ses yeux étaient
exorbités, il se tordait les mains d'impuissance. Une arme en mains, il
aurait continué son oeuvre. Il était manifestement sous l'emprise de la
drogue. Il fut opéré par le Docteur Vincent.
L'anesthésie fut difficile en raison de son imprégnation par le kif ou
autre drogue. On sût par la suite qu'il avait assassiné, entre autres,
un notable musulman fidèle à la France et ses cinq enfants. Il fallut
mettre en garde les agents des services spéciaux qui menaient leurs
enquêtes colt à la ceinture, colt qui aurait pu servir au geste
désespéré d'un terroriste kamikaze qui n'aurait pas eu son compte de
victimes françaises.
Ainsi les heures commencèrent à se dérouler dans un cortège de
blessures horribles (abdomens ouverts au poignard, femmes enceintes
éviscérées, blessures par balles artisanales de gros calibre qui
pénétraient dans l'abdomen ou le thorax en faisant des dégâts souvent
irrécupérables).
J'ai encore le souvenir d'un grand gaillard, employé de la mine d'El
Halia qu'on amena dans la salle où travaillait Alain Farruggia. On le
plaça à plat ventre sur la table d'opérations trop courte pour lui. Sa
tête dépassait et bascula dans le vide c'était impressionnant. II avait
reçu un coup de coutelas qui lui avait tranché tous les muscles de la
nuque jusqu'aux vertèbres cervicales. Alain et moi n'avions jamais été
confrontés à ce type de blessure qu'on ne peut voir qu'en chirurgie de
guerre. On sutura vaille que vaille les muscles de la nuque, les
aponévroses, les tissus cutanés. On confectionna une minerve en plâtre
pour bloquer sa colonne cervicale. Quel ne fut pas notre étonnement de
le croiser une dizaine de jours plus tard se promenant dans la rue
Clémenceau avec sa minerve et une démarche un peu guindée. Je me
souviens 50 ans après de son nom : Rivière.
Ainsi les deux équipes chirurgicales se partageaient les victimes au
hasard de leur arrivée dans le sas qui précédait les salles
d'opérations et suivant les critères de gravité qu'avaient retenus les
confrères chargés des diagnostics et du tri.
Le rythme était rapide et il était illusoire, dans cette agitation et
le va-et-vient du personnel réduit, de respecter des règles strictes
d'asepsie.
Ainsi l'après-midi du 20 Août se passa en interventions les plus
urgentes et les plus graves. L'été était particulièrement chaud et on
ne connaissait pas la climatisation. Nos tenues étaient très allégées.
Nous buvions beaucoup, on grignotait quelques biscuits entre deux
transferts de table. Les cigarettes défilaient à un rythme accéléré et
il y avait une grande consommation de café pour essayer de garder
l'exil vif. La nuit qui suivit connut le même rythme avec une
température un peu plus supportable en salle d'opérations, fenêtres
grandes ouvertes pour essayer de faire pénétrer une brise marine.
Le lendemain nous retrouvons les deux équipes au grand complet mais
déjà assez fatiguées par une nuit blanche et des interventions lourdes.
Les installations de stérilisation et les blanchisseries sont sur
utilisées et menacent de nous lâcher. Les quelques flacons de sang dont
nous disposions au début sont épuisés.
Le stock d'antibiotiques baisse à vue d'oeil et on les utilise très
largement en raison des risques d'infections post-opératoires dans ce
type de chirurgie. II fallut faire appel aux pharmacies de la ville.
Une collecte de sang au niveau de la cité est difficile à mettre en
place. Quelques donneurs généreux se présentent à l'Hôpital mais on
redoute les erreurs de groupage et des fautes d'asepsie dans le recueil
tant la situation est confuse.
Le Dimanche 21 Août à midi la direction de l'Hôpital dépassée par la
situation prend conscience que nous n'avions pratiquement rien mangé
depuis plus de 24 heures. Ce sont les soeurs de la communauté
religieuse qui corrigent cet oubli. Elles nous préparent un vrai repas
avalé rapidement puis elles iront donner encore un peu de leur sang.
Alain Farruggia, exténué, va se reposer quelques heures dans
l'après-midi et revient dans la soirée en salle d'opérations pour
quelques inter-ventions. En fin d'après-midi c'est le tour de notre
aîné Gabriel Godard de nous abandonner. La station verticale prolongée
crée des oedèmes des jambes qui deviennent très vite douloureux. Il y a
encore un certain nombre de Les obsèques des victimes d'El Halia, de
Fil-Fila, de Philippeville et de sa région eurent lieu quelques jours
plus tard. Soixante cercueils étaient alignés à l'entrée du cimetière
de la ville : ceux des 34 victimes d'El Halia, des 14 de Philippeville,
et 12 militaires tombés au cours des combats de rue contre les
assaillants. Les autorités préfectorales avaient fait le déplacement de
Constantine : les mêmes qui avaient refusé d'armer le personnel de la
mine d'El Halia. Toute la population Philippevilloise était réunie
autour des familles des victimes. La colère était à son comble et, une
réaction violente risquant de survenir d'un moment à l'autre, les
autorités furent tenues à l'écart.
Paul-Dominique Benquet-Crevaux, maire de la ville, (décédé il y a
quelques jours à Aix-les-Bains après une longue maladie) calma la
population en entonnant une vibrante " Marseillaise ". Les gerbes
officielles furent malmenées et les représentants de la Préfecture
s'éclipsèrent discrètement. La cérémonie put alors se dérouler dans la
dignité malgré une très intense émotion.
Tous les confrères qui ont participé à ces jour-nées tragiques du 20
août ont été dispersés après l'indépendance de l'Algérie, sept années
plus tard.
Le Docteur Gabriel Godard s'est installé et a fini sa carrière à
Grasse. Il avait reconstitué une belle clientèle. Il y est décédé dans
les années 70. Le Docteur Pierre Sultan fut reclassé à l'Hôpital de
Montbéliard à la tête du service de pneumo-phtisiologie. Il y est
décédé dans les années 80.
Le Docteur Fernand Vincent avait pris sa retraite à Paris. Après une
carrière épuisante il nous a quitté il y a une dizaine d'années pendant
une croisière aux Seychelles.
Le Docteur Hughes Blanc, après l'indépendance, a traversé la
Méditerranée sur son bateau et a jeté l'encre à Saint-Tropez où il a
créé plusieurs cabinets de radiologie. Retraité, il a gardé un anneau
au port.
Il me faudra enquêter sur la carrière du benjamin, Alain Farruggia. Je
n'ai pas suivi son cursus, mais son premier remplacement de chirurgien,
je pense qu'il ne l'oubliera jamais. Depuis le 20 Août 1955, j'ai
évoqué chaque année, en moi-même, le souvenir de ces années tragiques.
Cinquante ans après ce carnage et avant la disparition des derniers
témoins, j'ai voulu, en quelques pages, rendre hommage aux victimes
d'El Halia, de Fil Fila et de Philippeville, dire ma reconnaissance au
personnel de l'Hôpital et à la communauté religieuse, évoquer le
souvenir des confrères aujourd'hui disparus, et faire que ce premier
massacre de la Guerre d'Algérie, qui fit tant de victimes innocentes,
ne tombe pas dans l'oubli...
Charles BALDINO >>
2-El-Halia est attaqué entre 11 h 30 et midi.
http://guerredalgerie.pagesperso-orange.fr/1955_Aout.htm
<< 20 Août 1.955:
El-Halia est attaqué entre 11 h 30 et midi. C'est un petit village
proche de Philippeville, sur le flanc du djebel El-Halia, à trois
kilomètres environ de la mer. Là vivent 130 Européens et 2000
musulmans. Les hommes travaillent à la mine de pyrite, les musulmans
sont payés au même taux que les Européens, ils jouissent des mêmes
avantages sociaux. Ils poussent la bonne intelligence jusqu'à assurer
leurs camarades Degand, Palou, Gonzalès et Hundsbilcher qu'ils n'ont
rien à craindre, que si des rebelles attaquaient El-Halia, "on se
défendrait" au coude à coude.
A 11 h 30, le village est attaqué à ses deux extrémités par quatre
bandes d'émeutiers, parfaitement encadrés, et qui opèrent avec un
synchronisme remarquable. Ce sont, en majorité, des ouvriers ou
d'anciens ouvriers de la mine et, la veille encore, certains
sympathisaient avec leurs camarades européens... Devant cette foule
hurlante, qui brandit des armes de fortune, selon le témoignage de
certains rescapés, les Français ont le sentiment qu'ils ne pourront
échapper au carnage. Ceux qui les attaquent connaissent chaque maison,
chaque famille, depuis des années et, sous chaque toit, le nombre
d'habitants. A cette heure-là, ils le savent, les femmes sont chez
elles à préparer le repas, les enfants dans leur chambre, car, dehors,
c'est la fournaise et les hommes vont rentrer de leur travail. Les
Européens qui traînent dans le village sont massacrés au passage. Un
premier camion rentrant de la carrière tombe dans une embuscade et son
chauffeur est égorgé. Dans un second camion, qui apporte le courrier,
trois ouvriers sont arrachés à leur siège et subissent le même sort.
Les Français dont les maisons se trouvent aux deux extrémités du
village, surpris par les émeutiers, sont pratiquement tous exterminés.
Au centre d'EI- Halia, une dizaine d'Européens se retranchent, avec des
armes, dans une seule maison et résistent à la horde. En tout, six
familles sur cinquante survivront au massacre. Dans le village, quand
la foule déferlera, excitée par les "you you" hystériques des femmes et
les cris des meneurs appelant à la djihad, la guerre sainte, certains
ouvriers musulmans qui ne participaient pas au carnage regarderont
d'abord sans mot dire et sans faire un geste. Puis les cris, l'odeur du
sang, de la poudre, les plaintes, les appels des insurgés finiront par
les pousser au crime à leur tour. Alors, la tuerie se généralise. On
fait sauter les portes avec des pains de cheddite volés à la mine. Les
rebelles pénètrent dans chaque maison, cherchent leur "gibier" parmi
leurs anciens camarades de travail, dévalisent et saccagent, traînent
les Français au milieu de la rue et les massacrent dans une ambiance
d'épouvantable et sanglante kermesse. Des familles entières sont
exterminées: les Atzei, les Brandy, les Hundsbilcher, les Rodriguez.
Outre les 30 morts il y aura 13 laissés pour morts et deux hommes,
Armand Puscédu et Claude Serra, un adolescent de dix-neuf ans qu'on ne
retrouvera jamais. Quand les premiers secours arrivent, El-Halia est
une immense flaque de sang.
Le groupe de fellagha est commandé par Zighout Youcef. 123 des
personnes qui l'habitent, de toutes religions, de tous sexes, de tout
âge et de toutes opinions politiques sont massacrés de la façon la plus
ignoble que l'on puisse imaginer. (71 européens, 52 musulmans, 120
disparus). Outre les égorgements des hommes (après ablation du sexe et
vision du viol de leurs femmes et de leurs filles) et l'éventration des
femmes, méthode habituelle, on note pour la première fois des personnes
dépecées, vraisemblablement tant qu'elles étaient vivantes.
Ce massacre résulte des nouvelles consignes du FLN qui a échoué dans sa
tentative de mobiliser massivement les français musulmans d'algérie
contre la france, que ce soit par la propagande ou par la terreur. Il a
également échoué dans sa tentative de créer une force militaire
suffisante pour gagner des combats contre l'armée française, par manque
de soutien extérieur susceptible de lui procurer des armes, aussi parce
que les paras et autres troupes de choc, ramenées d'Indochine,
implantent de nouvelles formes de guerre, avec des unités mobiles, et
le début des opérations héliportées. Enfin de plus en plus nombreux
sont les musulmans qui portent les armes françaises, d'abord protection
des sections administratives spéciales nouvellement implantées,
gendarmes des groupes mobiles de sécurité, puis progressivement et de
plus en plus, auto défense des villages et troupes combattantes, les
harkis.
Le FLN a alors décidé de faire régner la terreur, il renforce ses
politiques d'attentat aveugles dans les villes, son extermination
systématique des européens, ses actions de sabotage de récolte, de
routes, de réseau ferré, de lignes téléphoniques qui le conduiront à la
victoire. Il vise aussi les nationalistes modérés type Ferhat Abbas,
dont le neveu, qui gérait sa pharmacie est égorgé pour l'exemple. Abbas
comprendra parfaitement qu'il n'est plus possible de tenter une
troisième force et rejoindra le Caire.
El Halia aura une autre conséquence, le gouverneur général Soustelle,
qui était venu en algérie avec la volonté de trouver une solution
politique, voyant le massacre, déçu de ses contacts, décide "qu'on ne
discute pas avec des gens comme ça". Lors de l'enterrement des
victimes, les personnes présentes, menées par le maire, piétineront les
gerbes et couronnes offertes par les autorités préfectorales et
militaires et feront une conduite de Grenoble au sous préfet.
Soustelle écrira : "Les cadavres jonchaient encore les rues. Des
terroristes arrêtés, hébétés, demeuraient accroupis sous la garde des
soldats….Alignés sur les lits, dans des appartements dévastés, les
morts, égorgés et mutilés (dont une fillette de quatre jours) offraient
le spectacle de leurs plaies affreuses. Le sang avait giclé partout,
maculant ces humbles intérieurs, les photos pendues aux murs, les
meubles provinciaux, toutes les pauvres richesses de ces colons sans
fortune. A l'hôpital de Constantine des femmes, des garçonnets, des
fillettes de quelques années gémissaient dans leur fièvre et leur
cauchemars, des doigts sectionnés, la gorge à moitié tranchée. Et la
gaieté claire du soleil d'août planant avec indifférence sur toutes ces
horreurs les rendait encore plus cruelles "
Le 20 août 1955, "une date terrible, une date inoubliable" dira Yves
Courrière dans son "Histoire de la guerre d'Algérie" (ed. Taillandier).
Ce jour-là, Zighout Youssef, le chef de la willaya 2, lance la
population civile de certains douars du Nord-Constantinois contre les
Européens. A El-Halia, petit centre minier près de Philippeville, cent
trente-deux personnes sont assassinées dans des conditions barbares.
Marie-Jeanne Pusceddu témoigne: Le 20 août 1955 j'étais à El-Halia
3-Je m'appelle Marie-Jeanne Pusceddu
http://www.piedsnoirs-aujourdhui.com/helhalia.html
<< -Je m'appelle Marie-Jeanne Pusceddu, je suis pied-noir, née à
Philippeville en 1938 de parents français, d'origine italienne. Mes
parents étaient des ouvriers; toute ma famille, frères, oncles,
cousins, travaillait à la mine d'El-Halia, près de Philippeville. Ce
petit village d'El-Halia n'était qu'un village de mineurs, d'artisans
qui travaillaient dur dans la mine de fer. Il y avait également des
ouvriers arabes avec qui nous partagions, au moment de nos fêtes
respectives, nos pâtisseries et notre amitié. Ils avaient leurs
coutumes, différentes des nôtres, nous nous respections. Nous étions
heureux. Les "événements d'Algérie" ont commencé en 1954. Mais pour
nous, la vie était la même, nous ne nous méfions pas de nos amis arabes.
Je me suis mariée le 13 août 1955, nous avons fait une belle fête et
tous nos amis étaient là, notamment C., le chauffeur de taxi arabe que
nous connaissions bien. Avec mon mari, nous sommes partis en voyage de
noces. Le 19 août 1955, avec mon mari André Brandy (ingénieur des mines
employé au Bureau de la recherche minière d'Algérie ), nous avons pris
le taxi de C. pour rentrer à El-Halia. Pendant le trajet, C. nous dit:
"Demain, il y aura une grande fête avec beaucoup de viande". Je lui
répondis: "Quelle fête ? Il n'y a pas de fête". Je pensais qu'il
plaisantait. Le lendemain, 20 août, tous les hommes étaient au travail
à la mine sauf mon mari. Il était juste midi, nous étions à table,
quand soudain, des cris stridents, les youyous des mauresques et des
coups de feu nous ont surpris. Au même moment, ma belle-sœur Rose, sa
petite dernière Bernadette (trois mois) dans les bras arrive, affolée,
suivie de ses enfants, Geneviève 8 ans, Jean-Paul 5 ans, Nicole 14 ans,
Anne-Marie 4 ans. Son aîné Roger, âgé de 17 ans, était à la mine avec
son père. Avec ma mère, mon frère Roland de 8 ans, Suzanne ma soeur de
10 ans, Olga mon autre soeur de 14 ans et mon mari, nous avons compris
qu'il se passait quelque chose de grave. Les cris étaient
épouvantables. Ils criaient: "Nous voulons les hommes". Je dis à mon
mari : "Vite, va te cacher dans la buanderie!".
Nous nous sommes enfermés dans la maison, mais les fellaghas ont fait
irruption en cassant la porte à coup de hache. A notre grande stupeur,
c'était C., le chauffeur de taxi, "l'ami" qui avait assisté à mon
mariage. Je le revois encore comme si c'était hier. Il nous a
poursuivis de la chambre à la salle à manger, puis dans la cuisine;
nous étions pris au piège. C., avec son fusil de chasse, nous menaçait.
Il a immédiatement tiré sur ma pauvre mère, en pleine poitrine, elle
essayait de protéger mon petit frère Roland. Elle est morte sur le coup
avec Roland dans ses bras, lui aussi gravement atteint. Ma belle-sœur
Rose a été tuée dans le dos. Elle gardait son bébé contre le mur, ma
jeune soeur Olga s'est jetée, dans une crise d'hystérie, sur le fusil,
il a tiré à bout portant, la blessant salement. Il nous narguait avec
son fusil. Bravement et affolée, je lui dis: "Vas-y! Tire! Il ne reste
plus que moi". Il a tiré, j'ai reçu la balle à hauteur de la hanche, je
n'ai même pas réalisé et il est parti. J'ai pris les enfants, les ai
cachés sous le lit avec moi, mais je souffrais trop et je voulais
savoir si mon mari était toujours vivant. Je suis allée dans la
buanderie et me suis cachée avec lui derrière la volière. Les
fellaghas, les fils de C., sont revenus. lls se dirigeaient vers nous
en entendant un bruit, mais l'un d'eux a dit en arabe: "C'est rien,
c'est les oiseaux". Et nous sommes restés, apeurés, désemparés, sans
bouger jusqu'à cinq heures de l'après-midi.
Les cris, les youyous stridents, la fumée, le feu, quel cauchemar !
...Un avion de tourisme est passé au-dessus du Village et a donné
l'alerte. L'armée est arrivée à dix-sept heures. Et là, nous sommes
rentrés dans la maison pour constater l'horreur. Mon petit frère Roland
respirait encore; il est reste cinq jours dans le coma et nous l'avons
sauvé. Malheureusement, ma soeur Olga a été violée et assassinée, ma
soeur Suzanne, blessée à la tête, elle en porte encore la marque. Puis
l'armée nous a regroupés. Ma famille Azeï, tous massacrés au couteau,
la soeur de ma mère, son mari, ses deux filles dont l'une était
paralysée, l'une des filles qui était en vacances avec son bébé a été,
elle aussi, assassinée à coups de couteau (c'est la fiancée de son
frère, qui s'était cachée, qui a tout vu et nous l'a raconté). Le bébé
avait été éclaté contre le mur. Puis, mon cousin a été tué à coups de
fourchette au restaurant de la mine, le frère de ma mère, Pierrot
Scarfoto a été, lui aussi massacré, en voulant sauver ses enfants, à
coups de couteau, les parties enfoncées dans la bouche, ainsi que mon
neveu Roger, âgé de 17 ans. Mon père, sourd de naissance, blessé à coup
de couteau, s'était réfugié dans une galerie abandonnée. Il n'a pas
entendu l'armée, on ne l'a retrouvé que quinze jours plus tard, mort à
la suite de ses blessures. Il a dû souffrir le martyre. Mon jeune frère
Julien a été également massacré.
Treize membres de ma famille ont ainsi été martyrisés, massacrés par le
F.L.N.
Je suis restée à l'hôpital près de trois mois, j'avais fait une
hémorragie interne avec infection, car les balles fabriquées étaient
bourrées de poils, de bris de lames de rasoir. Nous avions échappé à la
mort, mais pas à la souffrance. Mon mari fut muté à Bougie, mais le
Chantier ayant subi une attaque, il a dû fermer; puis à Ampère, près de
Sétif, et finalement au Sahara. Mais les femmes n'étaient pas admises.
J'ai été recueillie avec mes deux frères à Lacaune-les-Bains, chez les
soeurs de Saint-Vmcent-de-Paul, j'y étais déjà venue plus jeune.
Le fellagha meurtrier de ma famille a été arrêté, j'ai dû venir
témoigner pendant trois ans en Algérie, car j'étais le seul témoin. Mon
témoignage fut mis en doute, du moins la façon dont les miens ont été
massacrés. Ils ont déterré ma mère pour voir si je disais la vérité, je
n'en pouvais plus. On a retiré plusieurs balles et la seule chose de
positive dans tout ce cauchemar, c'est le collier qu'elle portait et
que l'on m'a remis ; collier dont je ne me séparerai jamais.
Marie-Jeanne Pusceddu >>
4-Souvenirs d’Algérie 20 août 1955
de Pierre Crasto
( mail du
9 août 2011)
Souvenirs d’Algérie
Remonter dans le
temps et réveiller les faits enfouis dans un recoin de la mémoire,
n’est pas sans nostalgie. Tout se déroule tel un film.
- 20 Août 1955 –
Rappelé à Vallée, village à 15 Km de Philippeville où permissionnaire
pour la journée, j’étais à mon magasin. Un calme étrange régnait.
Boussoufa allait et venait devant le magasin mais n’y tenant plus, il
me recommanda de fermer… Etrange encore, je demandais à
Mary-Claire, présente de se rendre chez ma mère (à 150m) pour me
ramener mon revolver. Au bout d’un moment ça
pétaradait tout azimut. Je
commençais à me défaire dans la rue pour me remettre en tenue
militaire, et je retrouvais ma mère devisant calmement et
Mary-Claire. Normalement, je devais rejoindre la
caserne la plus proche et un copain permissionnaire lui aussi,
m’informa qu’il allait chercher un véhicule en prêt pour rejoindre le
campement.
Boussoufa et Madjid restaient auprès de nous, car en sécurité.
Boussouffa, avec l’aval de mon père, était le dépositaire
pour Philippeville, de l’Aiglon, un des revendeurs de la Loterie
Nationale Algérienne. Mon père lui avait appris à gérer et
surtout lui avait recommandé de ne jamais ramener à son domicile les
produits des ventes et Madjid, l’un de ses vendeurs, appliquait
la même méthode. A la mort de mon père, tous
deux m’avaient demandé de reconduire cet usage basé sur la confiance et
l’estime. (ils ont couché dans ma chambre afin de rester en vie)
et en attendant, avec M-C nous nous installâmes à une table du petit
restaurant, près de la fenêtre qui surplombait la ruelle. Sur le
trottoir d’en face, rue Nemours) 2 Algériens, en burnous, passaient
nonchalamment. Puis, ils revinrent mais sur le
trottoir en dessous de nous. Après un bref repas, je fus
interpellé par des voisins qui découvrirent dans le recoin de porte au
dessous où nous trouvions, 3 mètres au dessus, côté fenêtre, une bombe
artisanale dont la mèche était intacte….
Les tirs
sporadiques persistaient, je repartais rejoindre le campement où les
copains avaient échappé à une attaque du « mess ». Il s’agissait du
restaurant du club, du petit aérodrome de Vallée, car alerté à temps
par le 2° bureau…..Heureusement, car les fellaghas, connaissant nos
habitudes, avaient encerclé le lieu se trouvant alors sous la
mitraille (C’était un soulèvement général dans tout l’est
algérien. Massacre de français….Près de nous :El-Halia – Saint
Charles …)
Ce 9/08/2011 Je possède une photo du massacre d'El-Halia que m'a
dédicacé le photographe de la Dépêche de Constantine : SABRAN.
C'est le seul qui a pu prendre ces photos et en Remettre un jeu à
Crevaux.
Je pense qu'un livre a été édité par Louis Arti (que
j'ai rencontré en Mars 1995) .Ses parents habitaient El Halia, y furent
massacrés. Son Frère était comme moi rappelé dans la même Compagnie
à Saint-Charles, puis je fus muté à la section de Vallée
vers le 15 Juillet 1955. Vallée n'est qu'à une dizaine de Kms à
vol d'oiseau d'El-Halia.
A cause de mon cousin Davet, j'ai re ouvert, mon
journal.................
5-Témoignage de René CUOMO
-Témoignage de " René Cuomo " Sur la page 87 de mon site au sujet du 20 août 1955
Cliquer :
http://jakcol6478.wordpress.com/
http://www.histoire-en-questions.fr/guerre%20algerie/terreur-massacres-philippeville.html
http://www.algerie-francaise.org/plaintes/plainte2/partie1.shtml
http://michel.bousigniere.pagesperso-orange.fr/un%20peu%20d'Histoire%20page%205.htm
http://membres.multimania.fr/isly26mars1962/algerie.htm
http://www.vitaminedz.com/le-jour-des-longs-couteaux-le-20-aout-1955/Articles_249_88538_25_1.html
http://encyclopedie-afn.org/index.php/Histoires_EL_HALLIA_-_Ville_-_STELE
http://babelouedstory.com/cdhas/31_20_08_1955_suite/massacre_el_halia.html